A l'écrit





Une vision de la femme plus nuancée, plus réaliste



Parmi la diversité extrêmement riche des récits actuels représentant la femme du 21ème siècle (magazine, journaux, nouvelles, romans…), nous avons choisi de sélectionner un certain nombre de romans qui illustrent, selon nous, certaines caractéristiques de la femme du 21ème siècle, ainsi qu’un article du journal l’Express datant du 25 novembre 2009 et des photographies d’un magazine féminin américain. Ceux-ci mettent en exergue une femme beaucoup plus riche que ce que les médias audio-visuels  actuels nous montrent d’elle, une représentation beaucoup plus conforme à la réalité d’aujourd’hui. Avant cela, nous attarderons un instant sur deux romans, qui, eux, illustrent des traits essentiels de la femme des siècles passés.



-         L’émancipation progressive de la femme au fil des romans du 20ème siècle.

- Le livre de ma mère, Albert Cohen.

Le livre de ma mère est un roman autobiographique écrit par Albert Cohen en 1954. Cohen raconte l'émouvante histoire de sa mère, Diane, une femme insouciante, naïve : « une sainte mère malgré elle. » Il se rappelle tous les bons et mauvais moments passés avec elle. Elle voulait tellement plaire aux deux êtres les plus importants de sa vie (son fils et son mari) qu'elle était prête à faire n'importe quel sacrifice renonçant complétement à son désir propre, ce qui faisait l’admiration de son fils. 

Cette autobiographie nous dépeint une mère qui vit uniquement pour son mari et son fils. Elle remplit alors les rôles d’épouse et de mère tout en étant la ménagère. Plusieurs passages la mettent en scène en train d’attendre son mari et son fils une fois que toutes les tâches ménagères ont été effectuées. Cette mère aimante et attentionnée n’a alors pas d’autres occupations que de satisfaire ces deux hommes. Elle n’a ni travail, ni loisir, ni vie propre. On comprend alors que cela s’inscrit dans une époque : dans les années 1900, les femmes n’avaient d’autres statuts que celles de femmes au foyer, entièrement dédiées à leur famille. En seulement un siècle les attentes et le rôle de la femme ont beaucoup évolué. Aujourd’hui, les femmes qui sont seulement mère et épouse sont rares et quelques fois critiquées. Les femmes ont, pour la plupart, un emploi et une vie sociale (amis, sorties…) en plus de leur vie ‘à la maison’. Cela leur permet de mener plusieurs vies en une, pour leur plus grand enrichissement mais au prix, parfois, de certaines  fatigues et tensions intérieures.  De plus, il est très fréquent aujourd’hui que des femmes abandonnent complétement le statut de mère et épouse qui leur étaient « prédestiné » en naissant femme, pour ne se consacrer qu’à leur vie de professionnelle, d’ amante, d’ amie, de femme qui s’amuse et qui met à distance les contraintes familiales !

Elise ou la Vraie Vie de Claire Etcherelli.

Le récit d'Elise ou la Vraie vie nous conte l'histoire d'Elise, une jeune bordelaise rejoignant son frère à Paris. Elle y cherche du travail et trouve finalement un poste d'ouvrière, de travailleuse à la chaîne dans une usine automobile de la capitale. Elle effectue ainsi un travail normalement réservé aux hommes et ce avec beaucoup d'application, lequel consiste à contrôler les voitures défilant devant elle après que celles-ci aient été montées. L'intrigue principale se concentre sur l'histoire d'amour qui unit la jeune provinciale à un algérien victime de son époque, Arezki.
Le personnage d'Elise constitue néanmoins une figure féminine importante, incarnant toutes ces femmes qui, aujourd'hui, exercent des métiers réservés aux hommes. Ce roman sorti en 1967 est particulièrement représentatif de la femme dans le monde du travail et précurseur dans le sens où il témoigne de l'entrée de celle-ci dans le cercle fermé des métiers essentiellement masculins. L'émancipation de ces femmes au cœur du monde du travail est, au fil du temps, de moins en moins remise en question.


- Une femme qui revendique son désir et son essor singulier à tout âge.

- La touche étoile, Benoite Groult.

Née en 1920, journaliste, écrivaine et militante française, Benoite Groult, tout au long de sa vie, a été un témoin privilégié des bouleversements des rapports sociaux hommes/femmes par sa vie et son œuvre. Son féminisme déclaré tardivement est une clé de lecture essentielle de sa personnalité. C’est elle qui de 1984 à 1986 assure la présidence de la Commission pour la féminisation des noms des métiers. Connue pour ses œuvres principales, La part des choses (1972) et Les vaisseaux du cœur (1988), Benoite Groult a publié très récemment un roman qui conte la soif de liberté des femmes du 21ème siècle. La touche étoile, écrit en 2006, est l’histoire d’une femme Marion  et de sa mère qui toutes deux, dans leur génération respective ne se résolvent pas à  abdiquer de leur désir entier et singulier de femme quel que soit leur statut et leur âge. C’est aussi un roman à l’humour décapant qui dénonce le diktat actuel d’un jeunisme qui dénie le potentiel créateur du vieillissement féminin.

- Les yeux jaunes du crocodile, Katherine Pancol.

Katherine Pancol, romancière française à succès née en 1949, décriée sévèrement par la critique qui fustige la « légèreté » de ses ouvrages, écrit sur les femmes de notre temps. Dans Les yeux jaunes du crocodile, publié en 2006, elle dessine le portrait de femmes du 21ème siècle, en quête d’elles-mêmes, dont l’objectif est de réaliser leur désir quitte à emprunter des chemins inexpérimentés qui les mèneront au risque de la tourmente, sur la voie de la reconnaissance pour les unes, de la réussite financière et sentimentale pour les autres. Les héroïnes de ce roman, femmes d’aujourd’hui, sont des femmes libres, affrontant les situations sans les subir, chutant parfois mais se relevant toujours.

- Une femme sûre de ses capacités d’engagement dans la société.

- Stupeur et tremblements, Amélie Nothomb.

Amélie Nothomb qui suscite la polémique pour son excentricité, nait au Japon en 1967. Stupeur et tremblements, paru en 1999, à l’aube du 21ème siècle, est son neuvième roman : un texte à contenu ouvertement autobiographique, écrit à la lumière de son expérience malheureuse dans une grande entreprise japonaise où elle  est engagée pour y être interprète, mais qui, après avoir gravit les échelons, les redescend jusqu’au poste de « dame pipi ». Dans ce roman décapant, truffé d’absurde et de surréalisme, Amélie Nothomb décortique les codes d’une société japonaise qui, si elle « s’occidentalise », n’en reste pas moins enracinée dans une tradition notamment de soumission de la femme intolérable et irrecevable. Son personnage incarne la femme occidentale du 21ème siècle : une femme qui n’entend pas se laisser abattre et refuse de renoncer à utiliser ses talents dans l’ensemble des domaines de la société, qu’ils soient économiques, intellectuels, sociaux, politiques…

- Ensemble c’est tout, Anna Gavalda.

Anna Gavalda est une romancière française née dans les années 1970 en région parisienne. Etudiante en Hypokhâgne, elle devient professeur de lettres en Seine-et-Marne,  avant de remporter de nombreux prix littéraires pour ses nouvelles et romans. Aujourd’hui, elle tient une chronique dans le magazine ELLE et fait partie du jury  au festival international de la bande dessinée d’Angoulême. 
Ensemble c’est tout est le troisième roman à succès d’Anna Gavalda.  Avec ses 2 040 000 exemplaires, le récit narre l’histoire inédite de quatre personnages qui n’ont rien en commun mais s’attachent les uns aux autres. Camille, 26 ans, un des personnages principaux du roman représente quelques facettes de la femme du 21ème   siècle.  Elle incarne une femme qui a peur de s’engager avec un homme (même si elle y parviendra à la fin), une femme qui a l’air de ne pas savoir ce qu’elle veut, si ce n’est sa liberté ! Camille est une femme altruiste aussi, elle s’occupe d’une vieille dame et l’accompagne dans sa vieillesse tout au long du roman. En définitive, Anna Gavalda nous présente dans ce roman un personnage féminin intéressant car complexe. C’est cette subtilité là qui fait défaut dans les représentations stéréotypées et réductrices que nous présentent les médias audios visuels aujourd’hui.

- Envies et compromis difficiles d’une femme multitâches.

- Le ras-le-bol des Superwomen, Michelle Fitoussi

Née à Tunis en 1954, Michelle Fitoussi est une écrivaine, scénariste et journaliste française. Journaliste au  magazine féminin ELLE, celle-ci crée la rubrique « états généraux de la femme » en  2010. Elle s’est aussi toujours beaucoup intéressée à la question des femmes et à leurs droits dans le monde entier. Le ras-le-bol des Superwomen est son premier bestseller écrit en 1987, il relate un mythe inatteignable toujours d’actualité,  celui de la femme parfaite aux multiples talents, une femme qui cumule avec le plus grand succès vies familiale, amicale, sentimentale et professionnelle. Cependant, cette wonderwomen qui additionne les ambitions et conquêtes en vient vite au « ras-le-bol » : la saturation de la femme multitâche  la guette  parfois tant est complexe et délicat l’équilibre à trouver.

- Le diable s’habille en Prada, Lauren Weisberger.

Le Diable s’habille en Prada est un roman de l’écrivaine américaine Lauren Weisberger publié en 2003. Il fera, par la suite, l’objet d’une adaptation cinématographique réalisée par David Frankel et produit par Wandy Finerman. Dans ce récit, l’auteur s’inspire de sa propre expérience et raconte son histoire à travers le personnage d’Andréa Sachs.
Andréa Sachs, diplômée en littérature, rêve de prendre place dans l’un des magazines les plus célèbres de la capitale : le « New Yorker ». Originaire du Connecticut, elle part à New York pour refaire sa vie professionnelle et devient l’assistante personnelle de Miranda Priestly, la rédactrice en chef du magazine de mode « Runway » dont le personnage est inspiré d'Anna Wintour : une occasion en or qui lui permettra surement de réaliser son objectif. Elle prend rapidement ses marques dans le monde de la mode et parvient à s’adapter. Seulement, son travail devient difficile à cause des demandes capricieuses de sa supérieure.
Ce roman met en lumière l’obstination et la persévérance d’une femme afin de parvenir au but recherché : la réussite. On y découvre les dessous de la mode et la descente aux enfers de l’héroïne.
Deux stéréotypes de la femme sont, ici, mis en relief : celui de la femme fatale, belle et séduisante et celui de la femme travailleuse, tous deux incarnés par l’héroïne de l’histoire, Andréa Sachs. Mais alors comment ces aspects de la femme sont-ils représentés ? D’abord, en entrant dans le monde de la mode, Andréa Sachs a pour devoir de s’identifier aux styles vestimentaires et à l’état d’esprit des employés du magazine. Seulement, elle se rend vite compte qu’elle ne vit pas dans le même monde et subira donc, les moqueries de ses collègues ainsi que les lubies et les exigences de sa supérieure. Elle se retrouve alors confrontée à un dilemme cornélien : vivre l’enfer pour, ensuite, parvenir à décrocher le boulot de ses rêves ou suivre sa conscience. Son choix parait évident et elle va, donc, apprendre à ses dépens ce que renferme cet univers impitoyable. En à peine un mois, elle se métamorphose en prêtresse de la mode satisfaite de son physique. Dès lors, elle incarne la femme fatale qui s’assume et n’hésite pas à s’imposer et s’affirmer en tant que personne. Elle sera, même, l’amante d’un homme rencontré lors de  multiples soirées organisées pour la promotion du magazine.
Enfin, au cours de son aventure à « Runway », Andréa Sachs se montre comme une parfaite femme d’affaire. Pour être à la hauteur des attentes de Miranda Priestly, elle n’hésite pas à enchaîner les heures supplémentaires et fournit un travail exemplaire. En effet, sa supérieure, assez cynique et très exigeante, ne cesse de la dévaloriser et ne lui exprime aucune satisfaction quant aux efforts et au travail qu’elle produit. Et Andréa se laisse happer par ce monde effroyable et délaisse son petit ami, ses amis et même sa famille. Prise dans ce tourbillon infernal, elle finit, tout de même, par prendre conscience de ses actes et démissionne.                                                                                                         
 Ainsi, ce roman dénonce les deux aspects de la femme : celle d’une femme fatale par obligeance et celle d’une femme travailleuse par dépit.


-         Une femme qui acquiert de nouveaux droits de jours en jours.
L’express, dans son numéro du 25 novembre 2009, a posé quelques questions à quatre femmes grandement impliquées dans le monde d’aujourd’hui…

Qu'est-ce qu'être une femme en 2009?

« Je pense que ce qui rassemble les femmes d'aujourd'hui est la volonté de mener de front leur vie professionnelle, leur vie affective et familiale. Rares sont celles qui sont prêtes à renoncer à un emploi pour avoir des enfants ou vice-versa. » Carine Favier, présidente du Planning Familial.

«Aujourd'hui, être une femme n'est plus un problème, c'est un privilège. On peut travailler, avoir des enfants, voter... » Claude Sarraute, journaliste et écrivain.

« Depuis plus de quarante ans, nous nous sommes battues pour que les femmes deviennent citoyennes à part entière et qu'elles aient le droit de réaliser l'intégralité de leurs compétences. Et nous avons gagné en droits et en libertés plus que jamais dans l'histoire. Les Françaises ont le plus fort taux de fécondité de l'Union européenne et parviennent à mener de front leur activité professionnelle et l'éducation de leurs enfants. » Antoinette Fouque, présidente de l'Alliance des femmes pour la démocratie.

Quelles sont les principales difficultés auxquelles sont confrontées les femmes?

« En France comme dans le monde la pauvreté ne cesse de se féminiser [...] L'Observatoire national de la délinquance vient d'annoncer pour 2008 une forte augmentation des violences faites aux femmes » Antoinette Fouque, présidente de l’Alliance des femmes pour la démocratie.
« Il reste encore à faire progresser la parité dans les entreprises. C'est anormal que les femmes, à qualité égale, gagnent moins d'argent ou évoluent moins vite dans l'entreprise […] La condition des femmes dans certaines banlieues est également très difficile. Je soutiens complètement le mouvement Ni Putes Ni Soumises. Beaucoup de filles des cités vivent sous la coupe de leur grand frère, sont victimes de mariage forcé et même parfois d'excision. » Claude Sarraute, journaliste et écrivain.
« Les gouttes de pipi sur la cuvette des wc, les blagues de cul pas drôles et ces hommes qui entendent oui alors qu'elles disent non. En effet, se rendre compte que des fondamentaux que l'on croyait acquis soient remis en cause.» Saphia Azzeddine, écrivaine.

A la lecture de ces interviews, qui sont forcément partiales puisque issues de subjectivités, la femme est représentée comme  celle qui est capable d’incarner avec succès plusieurs rôles. Ces femmes interviewées,  écrivaines, journalistes ou présidentes  d’associations, très impliquées dans la société d’aujourd’hui, s’enthousiasment des progrès de ces 50 dernières années concernant la reconnaissance de plus en plus large de nouvelles compétences attribuées aux femmes. Elles déplorent néanmoins, pour certaines avec combativité, les limites de la parité homme/femme dans le cadre professionnel et la survivance d’un sexisme scandaleux dans certains milieux. Pourtant ces femmes sont, pour la plupart, confiantes et ambitieuses pour ce défi.


-         Le retour de la « VRAIE » femme dans des magazines américains.


Le 14 janvier 2010, la revue américaine V magazine est illustrée dans son intégralité par des mannequins grandes tailles photographiées par le norvégien Solve Sundsbo. Sont révélées de célèbres mannequins grandes tailles telles que Candice Huffine, Marquita Pring, Michelle Olson ou encore Tara Lynn.





Ce même magazine avait publié, dans un numéro précédent, les photographie de Terry Richardson qui avait photographié deux mannequins dans la même tenue, Jacqueline Jablonski, modèle taille zéro et Crystal Renn, modèle grande taille. Elles portent toutes deux aussi bien le vêtement.

A travers ces publications, on assiste à la redécouverte d'une diversité des silhouettes au cœur des magazines. Une réforme du modèle féminin apparaît. Ce dernier ne se limite plus seulement à un modèle mais évolue progressivement de manière à ce qu'existe chaque femme, telle qu'elle est, au sein de l’univers de la mode, lequel semble toutefois demeurer réticent à généraliser ce mouvement.