A la vie


La femme icone supplantée par la femme engagée  

Aujourd’hui plus que jamais la représentation d’une femme potiche et  objet est nuancée et complétée par l’image d’une femme engagée dans différents combats de la société. Parmi ceux-ci, celui de la lutte contre la discrimination sexiste, et contre la dictature d’un modèle unique  que nous choisissons volontairement de mettre en lumière ici, mais qui évidement n’est pas le seul lieu d’engagement des femmes du 21ème siècle. Leur terrain d’action est multiple : elles sont nombreuses à être représentées dans le domaine du social, de l’associatif du politique, de l’environnement et dans bien d’autres causes de la société actuelle.

-         Des femmes combattantes : le féminisme.


- La marche des 343 salopes.

Le mouvement des " 343 salopes ", lancé par " osez le féminisme ", est signé par 343 femmes issues d’horizons et de générations divers. C’est le 5 avril 1971 que ces femmes bravent la loi pour dire haut et fort qu’elles aussi, parmi des milliers d’autres, ont avorté. Elles revendiquent un droit fondamental, celui des femmes à disposer de leur corps : " Nous demandons que chaque femme puisse accéder à une contraception libre et gratuite, puisse avorter dans de bonnes conditions, être mère si elle en fait le choix. Il faut en finir avec les violences sexistes qui pèsent sur chacune d’entre nous. "





Sous la plume ironique de Charlie Hebdo, elles deviennent les « 343 salopes » par misogynie, par provocation. En effet, ces femmes célèbres (telles Françoise Sagan, Marguerite Duras ou encore Jeanne Moreau) et ces anonymes manifestent dans la rue pour dire « j’ai avorté » alors que l’IVG est encore passible de poursuites. Elles représentent une étape capitale dans le combat pour la légalisation de l'avortement en 1975. C’était un sujet tabou mais la question de l’avortement fut enfin visible et put sortir du débat privé. Cependant, certaines femmes ont été convoquées au commissariat de police et interpellées sous des insultes vulgaires. En 1972 s'ouvre le fameux procès de Bobigny : une jeune fille et sa mère sont poursuivies pour avortement. Leur avocate Gisèle Halimi en fait un procès politique, "où l'on met en accusation une loi qui vous accuse", selon ses termes. La jeune fille est acquittée.

En définitive, les femmes ont su faire avancer les choses et mettre fin à un élément indispensable à l’émancipation de la femme. Ainsi, elles ont contribué à ce que les générations suivantes puissent décider de leur vie.


- « Ni putes ni soumises », ou l'émancipation de la femme.



Mouvement féministe français créé en 2003 par Fadela Amara, " ni putes ni soumises " lutte essentiellement contre les violences faites aux femmes (dans le couple, dans la famille ou par un inconnu). Il combat ainsi le racisme, l'antisémitisme, la misogynie, l'homophobie, les discriminations, les violences physiques, morales et psychologiques ou encore les traditions qui enferment et portent atteinte à la mixité (séparation des genres et des cultures). « Ni putes ni soumises » se bat contre les pressions exercées pour le port du voile, pour arrêter l'école, pour se marier tôt sans pouvoir choisir librement son mari, l'interdiction aux jeunes filles d'assister aux cours d'éducation sexuelle et de biologie, pour séparer les femmes et les hommes dans les piscines et dans d'autres lieux publics, pour empêcher les personnes de vivre librement leur vie sexuelle et affective. Enfin, cette association essaye d’abolir les pressions patriarcales empêchant les femmes de disposer librement de leur corps et de leur vie, le communautarisme, l’obscurantisme et le relativisme culturel.

Cette association nous montre une image de la femme forte, courageuse, voulant faire évoluer le monde et qui n’hésite pas à parler et manifester à propos de sujets polémiques (comme le port du voile, le viol…). Depuis, sa création, ce mouvement a beaucoup fait avancer le statut de femme dans le monde entier. « Ni putes ni soumises » a facilité l’accès à la contraception pour les jeunes filles, s’est battu et se bat toujours pour l’émancipation des femmes dans la société d’aujourd’hui, lutte contre les discriminations et les intégrismes. Leurs objectifs sont alors internationaux et centrés sur les femmes.



- Le mouvement "slutwalk" ou "marche des salopes.



Le mouvement '' slutwalk '' ou '' marche des salopes '' est né au Canada en avril dernier lorsqu'un représentant du service de police de Toronto communique sa réaction à un viol ayant eu lieu à l'Université de York et déclare que " les femmes gagneraient à ne pas s'habiller en salope afin d'éviter de se faire agresser". Cette déclaration engendre de nombreuses manifestations à travers le monde organisées à partir des réseaux sociaux.

Toronto, Boston, Montréal, Londres, Melbourne... les grandes villes sont envahies par ces marches ouvertes à tous et à toutes et ayant pour objectif de lutter contre les clichés liés au sexisme ainsi que le viol ou encore contre la culpabilisation des victimes d'agressions sexuelles. Ce mouvement s'inscrit dans la lignée de '' Ni putes ni soumises '' ou encore '' 343 salopes ''.

Les femmes ont ici des convictions qu'elles affirment désormais dans les rues. Elles se montrent plus fortes, elles souhaitent faire évoluer le monde et la vision que porte la société sur elles. On constate que ce type de manifestations prend de l’ampleur, que la femme souhaite s'émanciper de l'image dans laquelle elle est parfois enfermée dans certains milieux où règnent des discriminations.


- Les chiennes de gardes.



L’association féministe « Les chiennes de garde » a été fondée en 1999 par l’historienne Florence Montraynaud. Cette association est internationale et indépendante de toute idéologie, parti ou mouvement politique. « Les chiennes de gardes » ont pour but de défendre les femmes discriminées en public par des injures, des allégations allant même jusqu’aux propos sexistes mais aussi de dénoncer les publicités sexistes et la réalité des violences. En terme général, elle consiste à défendre la dignité des femmes.




CITATIONS :


 « Afficher des stéréotypes sexistes et marchander le corps des femmes, c'est dégradant pour toutes les femmes. Nous affirmons la liberté d'action et de choix de toutes les femmes. »                                     
  « Le féminisme est un beau mouvement pacifique, qui n’a jamais tué personne, alors que le machisme tue tous les jours. »


-         Ces artistes qui bousculent des idéaux tenaces

Le monde de l’art semble lui aussi faire évoluer heureusement au 21ème siècle la représentation étriquée et scandaleusement réductrice de la femme ces cinquante dernières années. Nous avons fait le choix, ici, de mettre en lumière quelques artistes (actrice, mannequin, photographe, peintre, sculpteur) qui nous semblent s’inscrire dans cette évolution dans la représentation d’une femme bien éloignée de  l’icône séductrice, écervelée et passive que les images omniprésentes nous projettent.

- L’art : reflet d’un idéal de la femme réducteur, ancré dans la mode.


Danny Roberts est un artiste montant, se hissant sur les plus hauts podiums de la mode. L'Art du jeune artiste américain nous renvoie aux œuvres d'Egon Schiele et semble les réinterpréter. Ses portraits sont publiés dans de grands magazines de mode tels que Vogue et contribuent à la promotion de campagnes de grands créateurs comme par exemple celle de la fameuse marque Chanel.


Les silhouettes sont longilignes voire squelettiques et les visages inexpressifs. Son art est représentatif des exigences de la mode actuelle et de son idéal féminin : la maigreur.



 - Crystal Renn, mannequin "hors-norme".


Née à Miami en 1986, elle est repérée à 14 ans par une agence de mannequinat. Elle sombre dans l'anorexie pendant de nombreuses années et n'obtient aucun contrat avant que son agent lui conseille de prendre du poids afin de devenir mannequin ''grande taille''.


En 2005, elle sème la controverse en défilant pour Jean-Paul Gaultier tout en affichant sa silhouette opulente sur le podium. En 2009, elle publie un livre, Hungry, témoignage de ses années de souffrance et de restrictions alimentaires que lui a imposée le monde de la mode étant plus jeune.


A l'occasion de la collection printemps-été de 2010, elle devient l'ambassadrice de la MR Denim Collection pour la maison Marina Rinaldi. Naît alors la première collection de jeans pour les rondes.


Crystal Renn a su révéler au grand jour ces mannequins trop peu connues du grand public qui bouleversent l'idéal traditionnel des podiums. Elle a montré qu'il était possible de réussir dans un métier où la maigreur régnait jusqu'alors en maître absolu. Elle s'est servie de ce qui a longtemps été considéré comme un handicap dans le milieu de la mode pour s'émanciper des règles imposées par ce monde.

 - Christina Hendricks, une actrice unique.


Actrice américaine née le 3 mai 1975 à Knoxville dans le Tenesse (États-Unis), elle interprète le rôle de Joan Holloway dans la série Mad Men en tant que secrétaire d'une agence de publicité new-yorkaise dans les années 1960. Elle se démarque par ses formes plantureuses. En 2010, elle est élue ''femme la plus sexy du monde'' par le magazine américain Esquire.
Christina Hendricks est l'incarnation publique, dans le sens où elle apparaît régulièrement sur nos écrans, de la femme qui s'émancipe des modèles habituels. Par ses formes, qu'elle conserve en dépit de la pression médiatique, elle démontre qu'une femme peut être belle sans forcément s'associer à l'idéal féminin que nous impose la société actuelle.



- Yossi Loloi : un photographe résistant.



Le photographe émergeant Yossi Loloi, dans la continuité du travail artistique du peintre baroque Pierre Paul Rubens, a produit récemment une série de photographies nommée ''Full Beauty Project''. Y sont mises en scène, avec ironie, provocation courage et honnêteté, des femmes particulièrement corpulentes se dévoilant dans des positions que l'on peut qualifier d'érotiques dans un cadre néanmoins élégant et glamour.


Yossi Loloi parle de son art comme étant le symbole de la lutte contre la ''dictature de l'esthétique'' qui est omniprésente, pour ne pas dire inévitable, au sein de notre société. En effet, la minceur apparaît continuellement comme étant la seule manière pour la femme d'être belle mais les contestations, bien qu'encore peu connues du grand public, sont de plus en plus nombreuses et se manifestent de diverses manières et notamment à travers les arts. Yossi Loloi explique, en parlant des femmes qu'il a photographiées, qu'elles ''montrent que la beauté ne peut pas être standardisée''. Il proteste contre les discriminations instituées par notre société et les médias pour finalement considérer la corpulence de ces femmes comme étant simplement une autre forme de beauté s'opposant au culte de la minceur, voire de la maigreur qui fait notre quotidien. Le photographe a travaillé durant cinq années pour aboutir à ce projet assez inhabituel, toutefois très représentatif et même emblématique de la dénonciation de la violence morale, vénérant la finesse du corps féminin, infligée aux femmes rondes.


- La densité de la femme, vue par Anana Terramorsi.

Anana Terramorsi est un peintre, graveur, et sculpteur du 21ème siècle. Née en 1950, elle a très vite inscrit son parcours sous le signe de la liberté. Ses peintures et sculptures sont la plus part du temps inspirée du corps de la femme.  D’après Lydia Harambourg (auteur du livre consacré aux œuvres d’Anana Terramorsi) :  « Elle est cet intercesseur par lequel le monde des apparences se transmue en un monde des profondeurs réelles, celui qui "cherche à se délivrer de la surface des choses et pénétrer dans la matière afin d'en dévoiler les structures ultimes"... ».  Ce « monde des apparences » fait référence à la femme que dépeint l’univers médiatique audiovisuel actuel au sein duquel la femme n’est que surface. Anana Terramorsi, au contraire, figure une femme tout en profondeur, tout en densité, une femme non plus extérieure mais pleine, riche, ce dont témoigne la forme robuste de sa sculpture. C’est une femme dont l’intériorité pèse de tout son poids sur la société d’aujourd’hui.